Fondation du Patrimoine : les actus du mois de février
Triste fait divers à la collégiale…
Rassurez-vous, l’affaire n’est pas récente, elle remonte à 1971. Mais l’indignation qu’elle suscita justifie qu’on s’en souvienne encore aujourd’hui…
A partir de la fin des années 1960, un gang international s’appliqua à piller méthodiquement le patrimoine artistique religieux français. Est-ce lui qui sévit à Vernon dans la nuit du 12 au 13 décembre 1971 ? Aujourd’hui encore, on ne peut le dire, puisque le butin n’a jamais été retrouvé.
Toujours est-il que ce sont des cambrioleurs bien préparés qui pénètrent dans l’église cette nuit-là.
A l’aide d’une pioche qu’ils laisseront sur place, les malfrats forcent la porte de l’entrée arrière de l’édifice, celle qui fait face au presbytère, et s’emparent d’un joli butin : six tapisseries et un fragment de bas-relief en albâtre représentant l’arbre de Jessé.
Classé depuis 1907, ce dernier était un objet anglais remontant au XVe siècle, arrivé en France au moment de la Réforme (XVe siècle). Sa valeur était estimée à 70.000 nouveaux francs et le journaliste de l’époque indiquait qu’il « serait probablement difficile à écouler ».
Un butin estimé à plus de 240 millions d’anciens francs !
Les tapisseries quant à elles sont d’Aubusson et dataient de Louis XIII (première moitié du XVIIe siècle). De dimensions imposantes, 3 mètres de haut par 2 à 3 mètres de large chacune, elles étaient disposées en différents endroits de la collégiale : sous les orgues, dans la nef, au-dessus du portail nord et dans la chapelle du transept nord. Elles formaient un ensemble dit « Allégories des vertus » :
- Allégorie de la Chasteté ou Joseph et la femme de Putiphar
- Allégorie de l’Innocence ou Daniel dans la fosse aux lions
- Allégorie de la Paix ou la Mitre récompense la Paix
- Allégorie de l’Humilité ou l’Humilité exaltée
- Allégorie de la Miséricorde ou la Miséricorde couronnée en Marcien
- La Vertu récompensée par le triomphe
Chacune d’elles était estimée à 400.000 francs. On ne retrouva sur place que les cadres et les cordes qui servaient à les suspendre, laissant supposer que les cambrioleurs avaient utilisé une échelle…
Ces tentures, qui avaient été mises à l’abri pendant la seconde guerre mondiale, avaient été reposées après la libération puis avaient été envoyées à Aubusson pour être restaurées, avant de reprendre leur place définitivement dans la collégiale.
Le vol a peut-être eu lieu vers 1 heure du matin, heure à laquelle les prêtres occupant le presbytère entendirent un bruit de voiture. Mais ce n’est qu’à 7 heures du matin que la personne chargée d’ouvrir l’église le constata. « Il se sera écoulé plus de temps qu’il n’en fallait aux spécialistes pour faire sortir de France ces œuvres d’art, avant qu’en soit diffusé le signalement », explique la presse de l’époque, avant de conclure, désabusée, « L’affaire ne sera pas facile, les voleurs d’antiquités sont organisés et savent bien souvent, longtemps avant de perpétrer leur coup, l’endroit où ils placeront l’objet. »
Cinquante ans après, le butin n’a en effet toujours pas été retrouvé et seules nous en restent aujourd’hui des photographies en noir et blanc conservées dans l’inventaire des Monuments historiques.